Du jeudi 03 au dimanche 20 novembre
Toujours dans les pas de Corto Maltese, dont l’auteur Hugo Pratt, originaire de Venise, a concocté un guide avec ses itinéraires préférés mettant particulièrement en valeur ruelles, placettes et détails architecturaux peu connus, nous poursuivons notre exploration de la ville. Après San Marco, Cannaregio et Castello, nous passons maintenant de l’autre côté du Grand Canal, avec la découverte des quartiers du Dorsoduro, de Santa Croce et de San Polo, sans oublier les iles toutes proches de la Giudecca et de San Giorgio. Ouvrons donc la Porte des Couleurs et la Porte de l’Amour, deux itinéraires que nous avons mis quatre jours à arpenter…
Venise, ville romantique par excellence !
Dès le XIXe siècle, la Sérénissime a inspiré les âmes romantiques, comme le peint Turner dans ses toiles pré-impressionnistes… Pourtant c’est un tout autre visage que présentait la ville au XVIIIe siècle quand, une fois la page de la puissance maritime et commerciale refermée, libertinage et fêtes galantes meublaient le quotidien des Vénitiens, sous couvert d’un Carnaval qui durait alors une bonne partie de l’année ! Aujourd’hui encore, deux objets définissent parfaitement l’esprit de Venise : la gondole pour le romantisme et le masque pour la fête…
La Porte de l’Amour s’ouvre au Rialto, autrefois cœur économique de la cité quand les marchands arrivaient chargés d’étoffes des Flandres, de vêtements de soie, de pierres précieuses et de parfums venus d’Orient. Juste à côté, fruits, légumes, poissons et volailles achevaient d’aiguiser les sens des chalands… Ce marché bien coloré se tient toujours de nos jours, et est très prisé des Vénitiens ! Et quel plaisir de le découvrir au petit matin, quand le jour pointe à peine…
La balade se poursuit du vaste Campo San Polo au Musée Ca’Pesaro, entre ruelles et ponts, belles boutiques d’artisans et petits bistrots où on déguste de bonnes cicchettis arrosées d’un verre de Proseco – notre adresse préférée étant l’Osteria dai Zemei où nous sommes allés quatre fois ! Ce quartier étant très dense et riche en découvertes, nous l’avons arpenté à plusieurs reprises, de jour comme de nuit, sous le soleil, la pluie ou encore la brume…Petite balade en images, les photos de Gérard étant plus parlantes qu’un de mes longs blablas habituels !
Le musée Ca’ Pesaro, entre Art moderne et collections asiatiques…
Installée dans un imposant palais baroque de marbre faisant face au Grand Canal, la Ca’ Pesaro est aujourd’hui le Musée d’art moderne de Venise, exposant peintures et sculptures des XIXe et XXe siècles. La collection, débutée en 1897, en même temps que la seconde édition de la Biennale, s’est étoffée au fil des ans ; à côté des toiles de Marc Chagall, Gustav Klimt et Pierre Bonnard, nous apprécions particulièrement découvrir les œuvres de Vittorio Zecchin, Adolfo Wildt et Armando Pizzinato, des artistes italiens que nous ne connaissions pas ! (Dans l’itinéraire d’Hugo Pratt, la visite de ce musée était prévue dans la Porte de l’Orient)
Au troisième étage, se tient un Musée d’Art Oriental, qui renferme quelque 30.000 objets, provenant principalement du Japon mais également de Chine et d’Indonésie. Cette importante collection a été rapportée d’un voyage en Asie effectué de 1887 à 1889 par Henri de Bourbon-Parme, comte de Bardi. On survole assez rapidement les différentes salles…
Parfums et bain d’histoire au Palais Mocenigo…
Maison de la famille Mocenigo, une des plus prestigieuses familles de Venise, le palais conserve des décorations et des meubles authentiques datant du XVIIIe siècle. Alors qu’il est censé abriter le Musée du Textile et du Costume – avec des tissus italiens et français datant des Ve et VIIe siècles – nous n’avons vu quasiment aucune pièce. En revanche, il y a une très belle expo sur l’histoire du Parfum !
Églises et Scuola de San Polo
L’itinéraire nous ramène ensuite vers le cœur de San Polo, en nous faisant passer vers San Giacomo dell’Orio et la Scuola de San Giovanni Evangelista, une confrérie religieuse de Venise, fondée en 1261 et composée de laïcs par corporation. C’est actuellement la plus ancienne scuola en activité à Venise. Si on ne visite pas l’intérieur, en revanche, on prend le temps d’admirer le très beau portail érigé en 1481.
Une rue plus loin, on arrive au Campo dei Frari qui est largement dominé par la Basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari. Plus grande église gothique de la ville – avec l’église de SS Giovanni et Paolo – elle fut commencée en 1335 sur l’emplacement d’une autre petit église, puis achevée et consacrée en 1492. Mausolée de plusieurs doges et autres personnages éminents de la Sérénissime, elle abrite, entre autres, les monuments funéraires du sculpteur Cannova et du peintre Tiziano Vecellio, dit Le Titien.
On zappe la visite de la Scuola Grande di San Rocco – ce sera pour une prochaine fois – mais on pénètre dans l’église San Pantalon, dont l’extraordinaire plafond est peint sur une toile qui serait la plus grande d’Italie ; on doit cette œuvre à Gian Antonio Fumiani qui mit 24 ans à la réaliser, de 1680 à 1704 !
Un petit détour par la Casa Carlo Goldoni…
Musée de poche – il y a seulement trois petites salles à l’étage – la maison était la résidence de Carlo Goldoni, créateur de la comédie italienne moderne, puis exilé en France en 1762 à la suite de différends esthétiques avec ses confrères. Depuis 1953, la maison abrite l’Institut d’études théâtrales « Casa Goldoni », avant d’être restaurée en musée au cours des dernières années. La maison est organisée sur une cour avec un puits, décoré avec des têtes de lion et un escalier couvert du XVe siècle. A l’étage, une salle est consacrée aux marionnettes, dans laquelle est reconstruit le teatrino du palazzo Grimani ai Servi, comprenant une trentaine de marionnettes d’origine du XVIIIe siècle.
En bas, une expo temporaire présente différentes œuvres d’artistes qui revisitent l’art du verre, un clin d’œil aux célèbres verriers de Murano.
Le Campo Santa Margherita, la place préférée des étudiants !
Proche de l’Université et située dans un quartier populaire, cette agréable place est bordée de cafés et de petits restos ouverts du matin jusque tard la nuit. Grâce au guide, nous débusquons également quelques pépites comme cette patère en forme de tête de dragon apposée sur le campanile tronqué d’une église aujourd’hui disparue…
Dans la quiétude du Dorsoduro…
Quelques pas plus loin – c’est fou comme tout est proche à Venise, et pourtant on marche beaucoup ! – nous arrivons dans la partie peu touristique du Dorsoduro. Après un arrêt à l’église Santa Maria dei Carmini – au décor très chargé – nous filons directement au mignon campo qui fait face à l’église San Nicolò dei Mendicoli. Dommage, elle est fermée !
Nous poursuivons alors jusqu’à l’église San Sebastiano, chef d’œuvre baroque du XVIe siècle où nous passons un long moment à détailler retable – signé Titien – chapelles, et peintures de Véronèse – il est d’ailleurs inhumé ici. Un gros coup de cœur pour cette bonbonnière de marbre et de stucs !
La Porte des Couleurs, de San Trovaso à l’Academia, en passant par la Douane de mer…
Nous entamons maintenant l’itinéraire intitulé Porte de la Couleur… Selon les auteurs du guide, à Venise, l’eau et la brume s’accordent à ronger les profils, brouiller le trait et effacer les lignes. D’ailleurs, dès le XVIe siècle, les peintres vénitiens s’illustrèrent par leur habilité à jouer toutes les nuances… C’est exactement notre ressenti sur ce quartier bohème et artistique que nous avons arpenté sous divers cieux, tantôt azurs, tantôt brumeux, d’où les différences drastiques d’ambiance…
Quelle que soit la météo, parcourir ce quartier est toujours source de plaisir… et de découvertes ! Et il ne faut pas hésiter à quitter les Zattere – ces larges quais, longs de 1.5km, très agréable pour une promenade au soleil – pour s’enfoncer le long des canaux et rejoindre de petites places. On apprécie particulièrement le campo San Barnaba où, à côté du bateau proposant fruits et légumes se dresse le Ponte dei Pugni – ou Pont des Poings. Ce pont est ainsi nommé car, autrefois, les Castellani – de Castello – et les Nicoletti – de San Nicolò dei Mendicoli – s’y battaient chaque année de septembre à Noël !
Tout le quartier regorge de ruelles et petites cours dans lesquelles il est bon de se perdre avant de rejoindre San Trovaso… Et parfois, au détour d’une calle, on se retrouve face au Grand Canal tout proche !
En longeant la Fondamenta Nani, on rejoint le squero San Trovaso, un atelier de réparation de gondoles. Le bâtiment ressemble à un chalet montagnard, chose très surprenante à Venise ! Néanmoins, l’endroit est charmant, et très bucolique dès lors que l’on traverse le canal et rejoint le petit jardin qui le jouxte.
Nous retournons ensuite sur les Zattere où nous visitons l’église de Sainte Marie du Rosaire – aussi connue sous le nom de Gesuati – fondée par les dominicains au XVIIIe siècle. Elle arbore un style rococo à souhait, fait de fresques et de sculptures élaborées.
Non loin, une petite expo des œuvres de Claire Tabouret est accessible gratuitement ; en effet, dans le cadre de la Biennale – que nous n’aurons pas le temps de visiter, il faudra revenir dans deux ans – il est possible de découvrir de nombreuses productions artistiques. Une aubaine pour tous les amateurs d’Art !
Avant de rejoindre la Douane de Mer qui offre un panorama superbe sur San Marco et San Giorgio, nous jetons un œil aux canaux latéraux et passons même une tête dans le hangar de la Societa Remiera Bucintoro, un club de canotage fondé en 1882.
Revenus le long du Grand Canal, nous visitons l’imposante église de la Salute – actuellement empaquetée pour cause de rénovation – dont la construction fut décidée par le Sénat de Venise en 1630 : si la Vierge Marie libérait la ville de l’épidémie de peste qui avait déjà fait 50.000 morts, une basilique lui serait dédiée. Immédiatement l’épidémie vaincue, les travaux débutèrent… Techniquement parlant, la Salute est l’édifice de Venise qui repose sur le plus grand nombre de pilotis, à savoir 1.156.6721 pour être précis !
Encore quelques pas, et il ne nous reste qu’à embrasser du regard la magnifique vue sur le Grand Canal depuis le pont de l’Académia, avant de poursuivre la balade vers la Giudecca et San Giorgio…
De la Giudecca à l’ile de San Giorgio…
D’un coup de vaporetto nous traversons le large canal qui sépare le Dorsoduro de l’ile de la Giudecca. Autrefois appelée Spina Longua – longue épine – en raison de sa forme très allongée, l’ile était parsemée de jardins, de potagers, de palais et de villas. Il n’en reste quasiment plus rien aujourd’hui, l’industrialisation de la fin du XIXe siècle ayant radicalement transformé le paysage. Toutefois, se balader sur les quais est très agréable, et si le ciel est dégagé, on bénéficie d’une superbe vue sur les Zattere du Dorsoduro et sur San Marco.
Avant de reprendre le vaporetto pour San Giorgio, nous visitons l’église du Rédempteur, érigée en 1577 en remerciement de l’aide divine accordée pour éradiquer l’épidémie de peste de 1575 – une histoire similaire à celle de la Salute…
Après seulement quelques minutes de navigation, nous débarquons sur San Giorgio et nous commençons par nous balader sur le quai bordé par une marina.
Par hasard, nous découvrons une expo temporaire consacrée aux lampadaires et lustres du XXe siècle – oui, c’est surprenant mais finalement très esthétique !
Puis nous pénétrons dans l’église : surprise, l’artiste Ai Weiwei a investi les lieux et présente quelques-unes de ses œuvres, toutes aussi surprenantes les unes que les autres. J’ai particulièrement apprécié la manière dont il a revisité les tableaux de Munch et de Seurat en Lego : audacieux, et un beau rappel à l’art de la mosaïque, particulièrement mis en valeur à Venise !
Il ne nous reste qu’à monter au sommet du campanile de San Giorgio pour boucler cette belle Porte des Couleurs. A plus de 50m de haut, la vue sur le Grand Canal, San Marco, la Douane de Mer et les iles environnantes est tout simplement époustouflante ! D’ailleurs, il se dit – à raison – qu’il s’agit là d’un des plus beaux panoramas de Venise. Un point de vue idéal pour conclure cette belle balade…
La Sérénissime ayant été arpentée en tous sens au cours des trois articles que nous lui avons consacrés, le prochain post présentera les iles de la lagune…
- INFOS PRATIQUES
- Nous avons eu deux hébergements, d’abord 3 nuits avec nos deux filles dans un grand appartement de San Polo, puis 14 nuits, dans un studio à Sant Elena, vers Castello.
- Ca’ Venissa, logement très confortable, spacieux (2 chambres, 2 salles de bains et un living avec cuisine) et très bien aménagé, belle déco, situé à quelques minutes à pied du Rialto, avec de nombreuses opportunités de restauration (à emporter ou à consommer sur place) dans les environs immédiats (on conseille le restaurant La Rivetta, juste au pied de l’immeuble). Environ 150€ la nuit, taxes de séjour à payer en sus (4€ par jour et par personne).
- Studio Airbnb ”Small apartment in a green area near Biennal”, situé à Sant Elena, à 150m de l’arrêt du vaporetto. Logement petit mais bien équipé, salle de bain, petite cuisine, lave-linge. On a beaucoup aimé le quartier, loin des zones touristiques fréquentées, et habité principalement par des Vénitiens ! Très bons contacts avec le propriétaire. Environ 65€ la nuit.
- Transports dans Venise et les iles de la lagune : Pass ACTV indispensable pour voyager sans restriction à bord de vaporetto, 65€ les 7 jours, 45€ les 3 jours, 35€ les 2 jours, 25€ les 24h et 9.50€ le billet unique valable 75mn. Réduction de 5€ par pass si on l’achète sur le site de Venezia Unica au moins 30 jours avant l’arrivée à Venise. Bon à savoir : une fois activé, le pass est valide par période de 24h. Merci à Marta de Venezia Uncia pour l’obtention de nos pass transport !
- Visites d’églises et de musées : on conseille d’opter pour la City Pass All Venice + Chorus église + Fenice, validité de 6 mois pour un passage dans chacun des 12 musées et des 16 églises. Accès au Palais de Doges seulement de 12h à 17h. 62.90€ & 38.40€ pour les +65 ans.
- Casa di Goldoni,10h-16h sauf mercredi, inclus dans le pass
- Palazzo Mocenigo, 10h-17h sauf lundi, inclus dans pass
- Ca’ Pesaro, 10h-17h sauf lundi, inclus dans pass
- Salute, 9h30-12h30 & 15h-17h30, entrée libre, musée en supplément
- Montée au campanile de San Giorgio, 9h-19h, 8€
Emmenez-nous au bout de la terre 