Confinés dans notre camping-car en Avignon…

Il y a 70 jours, jamais nous n’aurions pensé nous retrouver ainsi confinés dans notre camping-car, à compter les semaines passées face au Palais des Papes d’Avignon. De son côté, Joe Biden n’aurait bien évidemment pas imaginé une seconde supplier les Américains de ne pas ingérer d’eau de Javel…

Il y a 70 jours, nous peaufinions les derniers détails de notre voyage d’un an en Asie sans nous douter que la pandémie de Covid-19 toucherait l’Europe et le monde entier de plein fouet, obligeant plus de trois milliards d’individus à se confiner pour éviter l’irrémédiable déferlement de sa vague meurtrière…

Il y a 70 jours, nous vivions dans un monde où les mots « gestes barrières » et « distanciation sociale » n’existaient pas… Un monde où finalement notre seul petit souci égoïste était de se demander si on obtiendrait facilement notre visa russe sans passer par une agence… Un monde où partager un verre avec nos voisins de camping était pratique courante, et où emprunter un métro archi bondé à Mexico nous faisait sourire…

70, c’est aussi le nombre de jours qu’il m’a fallu pour de nouveau écrire et retrouver enfin le sens et le goût des mots…

Depuis 70 jours, notre quotidien s’est peu à peu transformé, et c’est avec une certaine philosophie que nous nous sommes pliés aux exigences de la situation. Mais avions-nous le choix ?

Retour sur ces deux mois où, d’un monde d’insouciance, nous nous sommes retrouvés propulsés dans un présent incertain, et dont le futur ne tient qu’à l’éradication de cette saloperie de virus et à la bonne gestion des conséquences de cette crise…

Comme prévu, c’est – à regret – que nous quittons la belle Sicile le 17 février… La traversée en ferry s’effectue sans vagues, et en une vingtaine d’heures, nous rejoignons Gênes. Nous nous posons pour deux nuits dans un camping à Varazze, ce qui nous permet d’effectuer une dernière balade à vélo sur le littoral italien. A ce moment, le coronavirus ne fait pas encore parler de lui, que ce soit en Italie ou en France…

Le 20 février, après quelques heures d’autoroute, nous nous installons pour 40 nuits au camping Bagatelle, situé en bord de Rhône, face à la vieille ville d’Avignon. Pourquoi si longtemps, me direz-vous ? Tout simplement parce que nous avons pas mal d’obligations administratives et sanitaires à régler avant notre départ, dont le renouvellement de la carte d’identité de Gérard et les injections du vaccin contre l’encéphalite japonaise. Et surtout, d’après l’expérience de nombreux voyageurs, nous savons qu’il est plus simple d’obtenir le visa russe à Marseille qu’à Paris. Comme la délivrance du précieux sésame requiert parfois un délai de 21 jours ouvrables pour récupérer le passeport, on a calculé large, et on suppose qu’en cinq semaines, tout sera bouclé. Un peu interloquée par un si long séjour, la responsable du camping nous propose un contrat « domicile », contrat qui nous fait bénéficier d’un meilleur tarif que celui obtenu avec la carte ACSI. Je précise ce détail qui, pour la suite des évènements, sera d’une importance cruciale !

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Avignon – Au bord du Rhône, vue sur le célèbre pont, et derrière, le Palais des Papes

La première semaine passe à toute vitesse… On redécouvre Avignon avec plaisir, et on fait quelques beaux tours à vélos sur l’ile de la Barthelasse qui fait face au Palais des Papes. Pêchers, pommiers et abricotiers sont en fleurs, c’est magnifique !

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Avignon – Ile de la Barthelasse
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Avignon – Ile de la Barthelasse
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Avignon – Ile de la Barthelasse
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Avignon – Ile de la Barthelasse

On croise même des « mouchons », mot inventé par Gérard pour désigner de curieux cochons au pelage laineux et bouclé !

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Avignon – Ile de la Barthelasse – Mignons ces « mouchons », non ?
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Avignon – Ile de la Barthelasse

Au loin, le Ventoux est encore enneigé, et on ne se lasse pas du charme provençal de Villeneuve-lès-Avignon que l’on rejoint en cinq petites minutes de pédalage.

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Villeneuve-lès-Avignon – Vue sur le Ventoux
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Villeneuve-lès-Avignon – Au premier plan, un bras du Rhône et juste derrière, l’ile de la Barthelasse, puis au fond, Avignon. Au moyen-âge, un pont long de plus de 900m reliait Avignon à Villeneuve, enjambant ainsi les marécages de la Barthelasse… Impressionnant ! Il ne reste de l’ouvrage que les quelques piles du célèbre pont tronqué d’Avignon.
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Villeneuve-lès-Avignon – Vue sur Avignon depuis la Tour Philippe le Bel
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Villeneuve-lès-Avignon
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Villeneuve-lès-Avignon
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Ponts enjambant le Rhône, entre Avignon, l’ile de la Barthelasse et Villeneuve-lès-Avignon

Toujours à Villeneuve-lès-Avignon, on visite la remarquable Chartreuse Notre-Dame-du-Val-de-Bénédiction qui date du Moyen-Age.

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Villeneuve-lès-Avignon – Chartreuse
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Villeneuve-lès-Avignon – Chartreuse
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Villeneuve-lès-Avignon – Chartreuse
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Villeneuve-lès-Avignon – Chartreuse
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Villeneuve-lès-Avignon – Chartreuse

Cette belle quiétude est néanmoins assombrie par les nouvelles en provenance d’Italie. Le coronavirus se répand à grande vitesse sur une large partie de la Lombardie et de la Vénétie, et quelques jours plus tard, c’est au tour du nord de la France d’être contaminé. Il est alors recommandé aux personnes ayant récemment voyagé dans ces territoires d’éviter tous contacts inutiles et de mettre en place les fameux « gestes barrière ». Bien que nous ne soyons pas allés dans les régions touchées, on observe néanmoins ces règles simples. A ce moment, on n’imagine toujours pas que la pandémie va s’installer durablement en Europe… Et le 3 mars, c’est gel hydroalcoolique en poche que nous nous rendons en TER à Marseille pour faire établir notre visa russe. Finalement, même si le remplissage du formulaire en ligne demande d’être assez tatillon dans les réponses, du moment que l’on fournit les bonnes pièces exigées, la procédure est relativement simple. De plus, l’accueil au centre des Visa russe est charmant, et il n’y a pas d’attente – comme à notre habitude, nous étions les premiers à l’ouverture !

Les jours passent, et doucement, on prend conscience qu’en France aussi, le confinement est inéluctable. On fait donc quelques réserves de nourriture – et de bons vins ! – dans les commerces de proximité. De ce côté, on est chanceux car non loin du camping, une ferme assure la vente directe de sa production, et à Villeneuve-lès-Avignon, on trouve boucher, boulangerie, petit Casino et surtout produits bio dans une boutique bien achalandée. Bref, pour nous qui nous déplaçons exclusivement à vélo, c’est le top ! Et pour le quotidien, l’épicerie du camping assure le nécessaire. Peu à peu, les soutes du camping-car se remplissent

Le lundi 16 mars, à 11h30, un coup de téléphone du Centre des Visas russes nous apprend que nos passeports sont prêts et que l’on peut venir les récupérer dans l’après-midi. Dans la foulée, on nous confirme que le confinement commencera le lendemain et que le centre sera donc fermé pour une durée indéterminée. Gros dilemme… Que faire ? Prendre un train qui risque d’être bondé, sans masque, ne nous semble guère sensé… Louer une voiture au débotté se révèle être mission impossible… Quelques minutes de réflexion nous décident d’y aller en camping-car. Après une heure d’autoroute, suivie d’une traversée souterraine assez facile de Marseille, Gérard se débrouille comme un chef pour caler notre « petit » véhicule en double-file dans la célèbre rue Paradis, une des artères les plus fréquentées de la cité phocéenne ! Les passeports sont prestement récupérés, et on reprend aussitôt la route d’Avignon. Finalement, on se dit que l’on a fait le bon choix, car même si nos précieux papiers risquent de ne pas nous servir avant un long moment, on préfère tout de même les avoir dans la poche. En plus, cela nous permet d’admirer ce visa russe flambant neuf qui… ne nous servira à rien !

Le lendemain, comme prévu, le confinement est mis en place. Concernant les campings, on ne sait encore pas trop s’ils devront fermer ou non leurs portes. On espère que celui d’Avignon restera ouvert car il accueille une quinzaine de résidents à l’année. Pour nous qui n’avons plus de maison en France, trouver un endroit où se poser durablement est un vrai problème : rejoindre nos résidences administratives est impossible, car cela reviendrait à s’installer chez nos mères – âgées respectivement de 77 et 89 ans – sans compter ma grand-mère qui affiche 99 printemps… Impensable ! De toute façon, les regroupements familiaux sont fortement déconseillés, et même proscrits quand il s’agit de seniors très âgés. Il ne nous reste qu’à espérer pouvoir rester sur place, ce qui, pour l’instant, semble envisageable. Le 19 mars, coup de théâtre ! La fédération nationale des campings relaie l’interdiction d’accueillir des visiteurs de passage. Je suis au bord des larmes : où va-t-on bien pouvoir se poser ? Après réflexion, les patrons du camping se souviennent nous avoir fait signer un contrat domicile, il y a un mois. Le voilà, ce détail crucial dont je parlais plus haut, car grâce à ce papier, nous pouvons rester de manière légale sur ce terrain ! Un grand merci à Claire, Séverine et Gérard pour leur réactivité et leur hospitalité…

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Avignon – Le camping, quasiment désert…
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Avignon – Balade dans le camping
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Avignon – Balade dans le camping

Depuis, les jours se suivent et… se ressemblent tous un peu ! Le matin, Gérard marche dans le camping pendant une bonne heure, pendant que je m’agite en rythme en visionnant des tutos de fitness. Pour ceux qui voudraient s’y mettre, je conseille Gym Direct. Chaque jour, j’enchaine une séance de renforcement musculaire (au choix, parmi mes préférées Affiner sa silhouette pour la plage (!), Taille / Abdos / Fessiers ou encore Renforcer et raffermir tout son corps), un peu de gainage au sol et une séance de cardio (toujours au choix cardio 16, cardio / renfo ou cardio 6). Pour casser le rythme, on peut aussi regarder les vidéos américaines suivantes : Yoga With Adriene, Pop Pilate ou 30-Minute Standing Cardio Workout, les deux dernières étant particulièrement toniques ! Bref, ces séances occupent bien, me font bouger un minimum, et surtout, me ramènent plus de 35 ans en arrière quand je participais au célèbre Gym Tonic de Véronique et Davina, sur la place du Soleil aux Arcs…

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Avignon – Balade dans le camping
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Avignon – Balade dans le camping
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Avignon – Balade dans le camping

Autre moment phare de la matinée : la préparation des repas ! Pour une fois que l’on a le temps, on en profite pour sortir le four et concocter de bons petits plats. Je passe d’ailleurs des heures à consulter Marmiton… et Gérard croule sous les lourdes bassines de vaisselle ! Pour les courses, on se ravitaille principalement à l’épicerie du camping qui reste ouverte quelques heures par jour. C’est un vrai luxe d’avoir tout sous la main – même la laverie ! – du coup, on ne sort que très peu, seulement trois ou quatre fois à ce jour pour Gérard pour des petites courses à Villeneuve-lès-Avignon, et une seule fois pour moi vendredi dernier.

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Avignon – L’épicerie du camping

Le reste de la journée, on alterne entre jeux (Rummy, Sudoku, mots fléchés et bientôt on se remettra au Scrabble, au Backgammon et peut-être à Hybrides, un jeu de dessin rigolo), visionnage de films, lecture (par chance, nous avons plusieurs dizaines de bouquins en attente dans nos liseuses !) coups de fil à la famille et aux amis et discussions à bonne distance avec nos voisins de parcelle Cathy et Ali, et Éliane et Günther. Gérard passe également trois à quatre heures quotidiennes à travailler son chinois, pendant que je fais quelques commandes pour améliorer notre « campement » (rafraichisseur, ventilateur, table supplémentaire, tapis de sol…). Prochainement, je me pencherai sur les sites proposant du matériel pour les activités manuelles (peinture, terre à modeler, fils à broder…). Eh oui, il ne faut pas se leurrer, on s’attend à rester à Avignon plusieurs mois encore. Autant que ce soit dans de bonnes conditions, l’exiguïté d’un camping-car (14m2 pour seulement 3m2 réellement praticables au sol !) n’étant pas spécialement prévue pour y vivre un confinement ! Heureusement, on s’entend bien, on ne s’ennuie pas, nos conditions de vie sont donc vraiment agréables pour le moment, à l’exception d’un petit bémol avec lequel Gérard se bat quotidiennement : les moustiques !

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Avignon – Petites décorations achetées en Sicile qui personnalisent bien notre camping-car…
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Avignon – Vue sur le Palais des Papes depuis la porte d’entrée du camping

Côté « occupations imposées », il m’a fallu annuler et/ou reporter toutes nos réservations effectuées pour notre voyage en Asie. Pas une partie de plaisir, on s’en doute. Mais cela nous a permis d’échanger avec des interlocuteurs d’Allemagne, de Finlande, de Russie, de Mongolie, de Chine, du Vietnam, du Laos, du Cambodge et de Thaïlande, et d’obtenir ainsi leur vision de la situation locale sans le biais des médias occidentaux, apportant ainsi un éclairage pertinent et personnel de l’évolution de la maladie dans leurs pays. Dans l’absolu, et en étant optimistes, nous avons prévu un nouveau départ le 10 mai 2021, mais seule la fin de la pandémie confirmera – ou infirmera ! – cette date. Peut-être nous faudra-t-il aussi attendre la mise sur le marché d’un vaccin

La recherche évolue rapidement, les stratégies de lutte contre le virus changent au gré des nouvelles découvertes, on ne peut donc, pour l’instant, que se référer aux consignes nationales et… attendre ! A ce propos, j’ai trouvé très intéressant l’article de Jean-Benoit (auteur avec sa femme Anh du blog Tour du Monde 5 continents, et tous deux Digital Nomad), sur cette période de confinement, car il détaille, jour après jour et en quelques mots et images, l’évolution de la gestion de la crise, que ce soit d’un point de vue politique, médical ou personnel. Merci pour ce post qui, à terme, permettra à chacun de ne pas oublier les différentes phases de cette tranche de vie si particulière…

On l’aura compris, même sans avoir la télé, on suit d’assez près cette crise sanitaire, on s’informe en regardant le point presse journalier de Jérôme Salomon et en lisant des articles du Monde et du Huffpost, et comme tout le monde, on est atterrés par la tournure meurtrière qu’elle prend. Face à cette tragédie mondiale, nos petites préoccupations de voyageurs nous semblent bien dérisoires… Le principal, pour nous, est que nos familles soient en sécurité. Pas trop de problèmes de ce côté-là, pour l’instant, nos enfants – éparpillés aux quatre coins du monde – et nos mères, grand-mère, frère, sœur, neveux et nièces gèrent tous impeccablement cette période de grande tension !

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Il est fort possible que le prochain article ne soit pas publié de sitôt… Néanmoins, je vais essayer de partager quelques infos sur notre page Facebook et dans la rubrique « dernières nouvelles » du blog !

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Avignon

12 réflexions au sujet de « Confinés dans notre camping-car en Avignon… »

  1. Bonjour,
    Merci beaucoup pour le lien vers notre article.
    Votre blog est toujours aussi agréable à lire. J’ai particulièrement aimé les photos de pollens… on dirait de petits nuages.
    Malgré toutes ces difficultés, vous avez quand même pu récupérer vos passeports à temps et surtout rester dans un environnement magnifique grâce à votre contrat résident.
    De notre côté, on espère repartir avant Mai 2021 quand même 🙂
    Bon anniversaire à votre grand-mère
    Bon courage !
    Anh

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    1. Merci beaucoup pour ce message, il est vrai que l’on a eu beaucoup de chance, tant en ce qui concerne les passeports qu’en ce qui concerne le terrain sur lequel on est posé.
      Encore bravo pour votre blog que je lis très souvent (et pas forcément dans l’ordre des publications !), j’espère que vous pourrez repartir avant 2021. Nous aussi, si c’est possible, on fera un tour en Europe à l’automne… A voir…
      Bon courage pour la suite, et belles créations de fleurs en papiers (elles sont absolument superbes !). Je transmet à ma grand-mère, elle vit bien ses 100 ans mais regrette de ne plus voyager…
      Sophie

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      1. Merci c’est gentil ! Les fleurs en papier, ça me calme et m’occupe.
        Croisons les doigts pour que les traversées de frontières (au moins en Europe) soient possibles d’ici l’automne.

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  2. Merci pour ces nouvelles, je pense souvent à vous et ne suis pas étonnée que vous dominez si bien la situation. Pour ma part je suis finalement rentrée du Laos le 6 avril dernier (la mort dans l’âme) et reste confinée dans mon petit village suisse, champery en valais.
    Je vous souhaite beaucoup de courage et de patience en attendant de pouvoir reprendre la route. Dominique

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    1. Dommage que votre voyage se soit brusquement interrompu, mais il valait tout de même mieux rentrer. Pour vous, comme pour nous, ce n’est que partie remise, et dès que la pandémie sera éradiquée, nous pourrons reprendre le voyage… Courage et patience à vous aussi, et surtout prenez bien soin de vous !

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