Dimanche 13 septembre
C’est sous un beau soleil que ce matin, vers 8h30, nous enfourchons nos vélos. Aujourd’hui, on prend la direction du Locle, et plutôt que d’emprunter la route directe qui descend la vallée vers le Col des Roches, on préfère musarder sur des chemins plus buissonniers, à flancs de coteaux et en lisière de forêt. On rejoint donc l’itinéraire cyclable national n°7 qui traverse des paysages vraiment bucoliques. On adore !



Une heure plus tard, après avoir dépassé la petite ville du Locle, on parvient au col des Roches qui marque la frontière avec la France. C’est également là que se trouvent les moulins souterrains, un patrimoine industriel à la fois insolite et unique en Europe.

L’histoire de la fondation de ces moulins est assez étonnante : le site était à l’origine constitué de marécages et d’une grotte servant d’exutoire à la rivière Bied qui coule lentement et paresseusement. Impossible d’implanter le moindre moulin sur un terrain si meuble, et de surcroit sans chute d’eau notable !

Pourtant, en 1660, Jonas Sandoz, un riche héritier d’une famille influente du canton, a l’idée géniale d’installer des rouages directement dans la grotte. Encore plus audacieux, il fait creuser la grotte, afin d’y installer cinq roues hydrauliques, qui actionneront moulins, scierie, rebatte et huilière. Des canaux souterrains conduisent l’eau de rouages en rouages, tandis que des galeries et des escaliers permettent l’entretien de la machinerie. C’est donc une véritable usine souterraine qui voit peu à peu le jour. Ruiné, Jonas Sandoz devra vendre la concession, et d’autres propriétaires poursuivront son œuvre tout en simplifiant le mécanisme hydraulique.
A partir de 1898, le site cesse d’être exploité, et les bâtiments sont transformés en abattoir, tandis que la grotte sert de dépotoir pour les déchets carnés et les eaux usées. Après la fermeture de l’abattoir en 1966, le site est très pollué. Il aurait pu rester en l’état mais en 1973, un groupe d’amateurs d’histoire et de spéléologie entreprend le nettoyage de la grotte et la restauration partielle des moulins. Après quinze ans de labeur courageux et bénévole – 35.000 brouettes de déchets divers et variés seront remontées à la surface ! – la Confrérie des Meuniers peut enfin rendre au public les Moulins souterrains du Col-des-Roches. Et c’est grâce à ce travail de titans que nous suivons aujourd’hui un circuit hydraulique qui nous mène 23m sous terre…
Avant nous, Hans Christian Andersen, avait déjà exploré le site, alors en activité, en 1836. Et sa réaction, comme la nôtre, fut l’étonnement… « Nous nous trouvons maintenant dans un moulin à eau, un moulin souterrain. Bien au-dessous du sol mugit un torrent ; personne, là-haut, ne s’en doute ; l’eau tombe de plusieurs toises sur les roues bruissantes, qui tournent et menacent d’accrocher nos habits et de nous faire tourner avec elles. Les marches sur lesquelles nous nous trouvons, sont usées et humides ; des murs de pierre l’eau ruisselle, et, tout près, s’ouvre l’abîme. »

Presque deux siècles plus tard, les marches inégales taillées dans la pierre ont été remplacées par de solides escaliers de métal, ce qui facilite tout de même bien la descente. Néanmoins, on est impressionnés par cette réalisation qui a dû mobiliser des dizaines d’ouvriers, dans des conditions que l’on imagine aisément difficiles.






Et que dire du travail sous terre… A la seule lueur d’une lampe à huile ou d’une bougie, les meuniers et ouvriers de la scierie devaient passer des heures dans une constante humidité où le thermomètre demeure invariablement à 7°C.



La visite est passionnante – l’audioguide est très bien fait – et nous sommes absolument seuls à arpenter ces galeries de pierre. Impressionnant !

Après une bonne heure passée dans les entrailles de la grotte, nous remontons à la surface et visitons une petite expo dédiée au travail du meunier et du boulanger.



Dans une autre salle, quelques photos et gravures anciennes nous replongent à une époque où la dureté du travail physique et les conditions de vie précaires étaient le quotidien de ces travailleurs souterrains.




Très impressionnés par cette belle découverte, nous reprenons nos vélos et nous dirigeons vers Le Locle. A la différence de la Chaux-de-Fonds qui est une commune très urbanisée, on ressent ici comme une atmosphère de village, ce qui n’est pas pour nous déplaire ! On suit le parcours proposé par l’Office de Tourisme, et on tombe en admiration devant le bel Hôtel de ville, d’inspiration Heimatstil et édifié en 1917. Plus loin, sur la place du Marché se tient une petite brocante aux livres… Il y a encore de nombreuses maisons anciennes, et bien qu’également cité horlogère, au Locle, on sent peu l’urbanisme particulier de cette spécialité artisanale de précision.







Après avoir pique-niqué dans les jardins de la mairie, on rebrousse chemin. On aurait pu rentrer en train, mais comme on n’est pas fatigués, on pédale jusqu’à la Chaux-de-Fonds en empruntant cette fois la route directe. Le paysage est moins fabuleux qu’à l’aller, mais le trajet est plus court et surtout il y a moins de dénivelé ! Onze kilomètres plus tard, nous sommes de retour au camping, enchantés une fois de plus de notre journée…
- INFOS PRATIQUES
- Camping Bois du Couvent, situé à la lisière de Chaux-de-Fonds (accès au centre-ville en 25mn à pied / 5mn à vélo, prévoir un belle grimpette pour le retour !). Accueil très sympathique, terrain agréable. Restaurant, wifi, machine à laver et sécheuse. CHF 28.- pour 2 personnes, un camping-car, l’électricité et les taxes. On recommande !
- Neuchâtel Tourist Card, pass permettant l’accès gratuit aux musées et aux transports du canton de Neuchâtel, délivré à toute personne qui passe une nuit dans un camping / un hôtel / une location. Valable pour la durée du séjour. Une excellente initiative qui favorise le tourisme local !
- Balade à vélo La Chaux-de-Fonds / Le Locle / Col des Roches, au départ du camping Bois du Couvent par l’itinéraire cyclable n°7, 15km AS, 150m+ / 280m-. Retour par la route principale, trottoirs & pistes cyclables, 11km AS, 150m+
- Moulins souterrains du Col des Roches, 10h-17h de mai à octobre, 14h-17h sauf le lundi de novembre à mars, CHF 14.- / entrée libre avec la Neuchâtel Tourist Card. Prévoir une polaire – il fait 7°C dans la grotte – et de bonnes chaussures. Nombreux escaliers. Temps de visite 1h30.
- Office de Tourisme du Locle, lundi-vendredi 8h30-12h & 13h30-18h30 / samedi 9h-12h30 & 13h30-17h / dimanche 9h-12h & 13h-16h – 5 parcours de balades disponibles au départ de la ville.
Une réflexion au sujet de « Au cœur de la roche, dans les surprenants moulins souterrains du Locle… »