Vendredi 2 octobre
Pas de chance ce matin, du côté de la météo : le ciel est particulièrement bouché – gris / blanc moche comme je le déteste ! – quand nous partons, au train de 8h04, pour Lucerne. La gare étant très centrale, on rejoint en quelques pas le fameux Kapellbrücke, véritable emblème de la ville.




Ce pont en bois couvert – ainsi nommé à cause de proximité avec la Chapelle Saint Pierre – date de 1333, et à cette époque, il faisait partie intégrante des défenses de la ville. Long de 204m, il enjambe la Reuss et relie ainsi les deux berges de la vieille ville. Partie intégrante du pont, la Wasserturm – ou Tour d’Eau – fut édifiée dès 1300, et servit à la fois d’archive, de trésorerie, de prison et de chambre des tortures !





Bien entendu, on traverse – et retraverse ! – le pont. Sa charpente est surprenante car elle est ornée, depuis le XVIIe siècle, d’une centaine de tableaux de forme triangulaire, retraçant des scènes de l’histoire du pays, ainsi que des saints patrons de la ville, St Léodégar et St Maurice. Presque entièrement détruit par un incendie le 18 août 1993, le pont a été reconstruit à l’identique l’année suivante. Seules quelques traces de suie subsistent sur les tableaux qui ont échappé aux flammes…





De retour sur la rive sud, on visite l’Eglise des Jésuites, connue également sous le nom d’église Saint François Xavier, au style baroque rococo incontestable !



De part et d’autre de la rivière, on ne se lasse pas d’observer les belles façades bien colorées !







Toujours sur le même quai, on poursuit jusqu’au Nadelwehr, un étonnant barrage à aiguilles, impressionnant tant sur le plan de l’architecture que de la technique. En effet, aujourd’hui encore, on régule le niveau d’eau du lac des Quatre-Cantons manuellement en retirant ou ajoutant des planches de bois appelées aiguilles. Cela permet de maintenir l’eau du lac à un niveau optimal pour la saison, indépendamment de la météo, et par conséquent d’éviter les inondations.


Plus en amont encore, on arrive au second pont couvert de Lucerne, le Spreuerbrücke – ou pont des Moulins. Construit en 1408, il doit son nom – spreu, qui signifie ivraie en allemand – au fait que c’est depuis là que les moulins de la ville jetaient dans la Reuss les résidus de céréales après le battage.



Comme le Kapellbrücke, le Spreuerbrücke est lui aussi décoré de nombreux tableaux triangulaires. Réalisés par le peintre Caspar Meglinger entre 1625 et 1635, ils illustrent le thème de la danse macabre, un sujet récurrent au Moyen Âge, rappelant ainsi à tous ceux qui empruntent cette galerie couverte l’omniprésence de la mort qui peut frapper à tout instant.








Sur la rive opposée, on débouche directement dans la vieille ville d’où l’on bénéficie d’une belle vue sur le surprenant Château Gütsch – désormais transformé en hôtel – et sur les anciens remparts.



Ici l’ambiance est plus riante, une impression accentuée, non seulement par les agréables terrasses de cafés qui s’égrènent un peu partout, mais aussi par les nombreuses façades peintes. Au hasard des ruelles, on découvre ainsi des œuvres murales réalisées il y a plusieurs siècles pour certaines, ou bien plus récemment pour d’autres.












Notre préférence va peut-être à la place Weinmarkt, où en 1332, les habitants de Lucerne ont prêté serment pour adhérer à la Confédération helvétique alors formée des cantons d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald. On peine à croire qu’un marché aux poissons s’y tenait jusqu’au milieu du XVIe siècle !










On jette un dernier regard au Rathaus, un bâtiment de style Renaissance inauguré en 1606 et considéré comme l’un des plus beaux édifices publics de Suisse.





Après une bonne heure passée à arpenter ce beau quartier, on rejoint ensuite la Löwenplatz, autrement dit la Place du Lion. Mais avant, on s’interroge : il est plus de 10h, et aucune boutique ne semble prête à ouvrir ses portes. Les Lucernois seraient-ils de grands lève-tard ? Pas du tout ! En effet, un coup d’œil à Google nous informe que le 2 octobre est un jour férié à Lucerne seulement, car on y célèbre Saint Léodegard – Saint Léger en français – le patron de la ville. Pas étonnant que les rues soient si calmes – voir même un poil mortelles – et que tous les commerces soient fermés !
Dominant la Löwenplatz, on pénètre dans l’imposante rotonde qui abrite le Bourbaki Panorama. La gigantesque toile circulaire – 112m de circonférence pour 10m de haut – peinte par le genevois Edouard Castres en 1881, illustre l’un des actes fondateurs de la neutralité suisse, ainsi que le premier engagement d’envergure de la Croix-Rouge. En effet, la scène se déroule pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, quand l’armée française du général Bourbaki, en déroute, obtient l’autorisation de battre en retraite vers la Suisse. La troupe est dans état déplorable, et manque de nourriture. Alors, du 1er eu 3 février 1871, près de 87.000 soldats passent ainsi la frontière aux Verrières, dans le canton de Neuchâtel, et après avoir déposé leurs armes, ils sont répartis et internés sur tout le territoire suisse, le temps que les hostilités cessent. L’œuvre de Castres est très poignante car au premier plan, des personnages en résine plus vrais que nature surgissent du tableau, plongeant le spectateur au cœur de cette débâcle historique.







Encore émus par ce panorama au réalisme saisissant, on fait une petite pause dans l’agréable jardin qui abrite la célèbre statue du Lion de Lucerne, sculptée dans un rocher de grès. Edifié en 1821, ce mémorial rappelle le combat des gardes suisses chargés de protéger la résidence royale de Louis XVI, lorsque le 10 août 1792, presque tous périrent sous l’assaut des Révolutionnaires français.


Tout proche, le Jardin des Glaciers nous embarque dans une histoire bien plus ancienne… Tout débute en 1872, quand un employé de banque, Josef Wilhelm Amrein-Troller, s’apprête à creuser une cave sur ce terrain qui lui appartient. A peine les travaux entrepris, les ouvriers ont la surprise de tomber sur un trésor géologique exceptionnel : les traces laissés par le glacier de la Reuss, 20.000 ans plus tôt, alors qu’il recouvrait toute la plaine jusqu’au Jura. Au total, 32 marmites glaciaires sont découvertes ! De plus, des fossiles de coquillages et de feuilles de palmiers sont également mis au jour, attestant ainsi de la présence d’une baie subtropicale, il y a 20 millions d’années. Fort d’une telle merveilleuse découverte, on comprend aisément qu’Amrein-Troller renonce à sa cave, et préfère ouvrir, à la place, le Jardin des Glaciers…




Deux ans plus tard, la maison, qui accueille aujourd’hui un musée très éclectique et original, est construite, dans un style typiquement suisse.









Encore plus étonnant, le jardin abrite un magnifique Palais des Glaces mauresque, créé en 1896 pour l’Exposition nationale de Genève. De quoi achever de manière bien ludique cette agréable visite !


Il est largement l’heure de déjeuner quand on quitte ce lieu surprenant, et on redescend, via un joli quartier situé près de la Hofkirche, sur les quais pour avaler rapidement une pizza et une tarte.



Après avoir passé une nouvelle fois le Kapellbrücke – bien plus encombré en début d’après-midi que ce matin ! – on se dirige vers le Musée Rosengart, principalement réputé pour ses Picasso et ses Klee. À l’origine, les oeuvres étaient la collection privée du marchand d’art Siegfried Rosengart (1894-1985) et de sa fille Angela. Depuis, cette dernière a créé la fondation Rosengart en 1992, puis le Musée, ouvert en 2002, et installé dans l’ancien bâtiment de la Banque nationale suisse.
On attaque la visite par les salles du rez-de-chaussée consacrées à Picasso où sont accrochées 32 toiles ainsi qu’une centaine de dessins, aquarelles ou gravures. Exceptionnel ! (les photos n’étant pas autorisées dans le musée, les clichés ci-dessous sont issus du site Rosengart.ch)




Au sous-sol, 125 œuvres du bernois Paul Klee sont exposées, la plupart réalisées les trente dernières années de sa vie. Malheureusement, la lumière un peu faible permet difficilement d’observer les détails très fins de certains tableaux.




Deux étages plus haut, les impressionnistes sont à l’honneur avec, entre autres, des œuvres de Renoir, Utrillo, Monet, Bonnard… Puis, toujours exposées dans un ordre chronologique, on découvre les toiles de Léger, Miro, ou encore Chagall. Bref, on assiste là à une incroyable variété picturale, une visite qui séduira tous les amateurs d’art !









Après avoir visionné un film résumant la création du musée, on rejoint la gare, où l’on n’a que le temps de sauter dans le train pour Lungern ! Un peu fatigués, on a zappé le Kunstmuseeum, installé dans le beau bâtiment achevé en 1998 par l’architecte français Jean Nouvel. Si on a le temps, on y fera un tour en rentrant du Rigi dimanche…
En attendant, la météo ne s’arrange pas, et c’est une grosse tempête, avec de très violentes rafales de vent et une pluie forte et continue, qui s’abat sur notre camping-car en début de soirée.
Samedi 3 octobre
Comme on pouvait s’y attendre, la nuit a, d’un point de vue météorologique, été très agitée ! Au réveil, comme il pleut toujours des seaux d’eau, on s’octroie une journée de repos. Heureusement , la pluie cesse en fin de matinée…

Dans l’après-midi, le soleil revient peu à peu et Gérard en profite pour faire une balade sur les hauteurs de Lungern, vers la cascade et les alpages, pendant que je rédige le texte de l’article.





Les photos qu’il rapporte, avec des vues sur les lacs de Lungern, de Sarnen et même de Lucerne au loin, sont superbes !








Et de nouveau, il aperçoit, à l’opposé, la Jungfrau, le Mönch et l’Eiger. Décidément, on aura bien vu ces trois sommets au cours de notre séjour dans la région !


Demain, on reprend du service, avec un lever prévu à 4h45, l’objectif étant d’atteindre le Rigi aux premières heures du jour !
Un grand merci à Melina, Letitzia et Luc, ainsi que My Switzerland / Suisse Tourisme et Swiss Travel Pass pour l’aide apportée dans l’organisation de nos transports et les différents accès aux musées !
- INFOS PRATIQUES
- Camping Obsee, à Lungern, un petit village situé entre Brienz et Sarnen. Agréablement posé au bord d’un joli lac, le camping est toutefois un peu excentré de la ville (10mn de marche) et surtout de la gare (25mn à pied, 10mn à vélo, belle grimpette !). Accueil un peu frais. Emplacements non délimités, mais certains possèdent des rails de stabilisation pour les cc (important en cas de pluie pour ne pas s’embourber). Sanitaires très agréables et bien chauffés. Restaurant, machine à laver, sécheuse. Wifi (mais pas sur toutes les places, réseau 3G / 4G ok). Nombreuses randos dans les environs proches. CHF 24-. la nuit pour deux adultes, l’électricité et les taxes (avec la carte ACSI).
- Swiss Travel Pass,la carte idéale pour des voyages illimités dans les trains, bus et bateaux et transports publics urbains. De plus, ce pass permet l’entrée libre dans plus de 500 musées et offre des réductions sur de nombreuses remontées mécaniques. Bonus : Trains de montagne Rigi, Stanserhorn et Stoos inclus ! Voir la carte du rayon de validité. Le Swiss Travel Pass s’adresse aux touristes étrangers. Seules les personnes domiciliées en dehors de la Suisse et de la Principauté de Liechtenstein peuvent se le procurer. Au choix, plusieurs durées de validité Swiss Travel Pass
- 3 jours consécutifs 228€ en 2nde classe ou 362€ en 1ère classe,
- 4 jours consécutifs 276€ en 2nde classe ou 439€ en 1ère classe,
- 8 jours consécutifs 410€ en 2nde classe ou 651€ en 1ère classe,
- 15 jours consécutifs 503€ en 2nde classe ou 795€ en 1ère classe
- Visite de Lucerne, prévoir une bonne journée pour avoir un premier aperçu de a ville. Ne pas louper le quartier de la vieille ville et bien sûr les ponts couverts. Voir également :
- Panorama Bourbaki, 10h-18h, 17 de novembre à mars, CHF 12-., inclus Swiss Travel Pass.
- Jardin des Glaciers, 10h-18h, 17h de novembre à mars, CHF 15-., inclus Swiss Travel Pass.
- Musée Rosengart, 10h-18h, 17h de novembre à mars, CHF 18-., inclus Swiss Travel Pass.
Tout simplement magnifique. Cependant, toutes ces couleurs qui en jettent me gênent quelque peu : parce que c’est « un peu trop » coloré. Je ne crois pas que j’aimerais habiter pareille ville. Mais ce reportage m’a permis de découvrir une architecture et une histoire dont j’ignorais à peu près tout. Merci pour cette promenade pittoresque qui m’en apprend beaucoup de ce qu’est la Suisse. Et merci d’avoir rappelé que La Croix-Rouge avait été créée par la Suisse.
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C’est vrai que les maisons sont bien colorées, surtout dans le centre historique. Disons que cela égayait un peu la grisaille ambiante !
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A reblogué ceci sur UN ESPRIT SAIN DANS UN CORSAGEet a ajouté:
Si cela vous chante et faute de pouvoir vous déplacer jusqu’en Suisse, je vous conseille de le faire sur ce blog de voyages très intéressant et fort bien documenté !
Bonne visite !
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