Vendredi 29 novembre
Sans avoir vu passer la semaine, vers 9h30, nous quittons Gallipoli et les Pouilles pour gagner la Basilicate, une région longtemps isolée et miséreuse. A peine trois heures plus tard, nous arrivons à Matera, la « capitale » de la province, et nous nous garons sur le parking du belvédère di Murgia Timone qui fait face aux célèbres sassi, un ensemble d’habitations en partie troglodytes. Malgré un ciel bien gris, cette première vision est particulièrement saisissante…


En contrebas, la Gravina a creusé le calcaire du plateau des Murge, où s’étale désormais la ville. De nombreuses grottes naturelles se sont formées et ont servi de refuge aux hommes depuis le paléolithique : ce serait même l’un des plus anciens sites préhistoriques. Au fil des siècles, c’est une population de plus en plus pauvre qui habite ces petites « maisons-grottes » dénuées de tout confort, tandis qu’églises et palais sont construits dans la ville haute où la classe dirigeante s’installe à partir du XVe siècle. Dès lors, la fracture sociale ne cesse d’augmenter. Et il faut les années 1950 pour que le monde découvre la misère dans laquelle survit les deux tiers des habitants de Matera, entassés dans des pièces insalubres, au milieu des poules et des cochons, et victimes de la malaria. L’Etat fait donc construire des HLM dans lesquels sont relogés les Materane, et les sassi sont abandonnés. C’est leur inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco, en 1993, qui a permis leur sauvetage. Et la « honte » de l’Italie a désormais retrouvé sa dignité en devenant, en 2019, Capitale européenne de la Culture !


Après un pique-nique rapide « avec vue », nous rejoignons l’Agriturismo Masseria del Pantaleone qui, en l’absence de tout camping, offre une aire de repos pour les camping-cars. On passe la fin d’après-midi au chaud dans le cc : eh oui, comme on s’est éloignés des côtes méditerranéennes, le thermomètre en a profité pour chuter d’une bonne dizaine de degrés…
Samedi 30 novembre
A 9h30, une navette de l’Agriturismo nous emmène au centre de Matera distante d’environ 4km, et nous dépose non loin de la Piazza Pascoli, dans la ville haute. Après une coup d’œil panoramique sur le ravin et les sassi depuis la via Ridola, on descend dans le sasso Caveoso. C’est un véritable labyrinthe de ruelles et d’escaliers, cernés de maisons imbriquées les unes dans les autres.


En arpentant les ruelles, on imagine sans peine les conditions de vie inhumaines d’autrefois, dans ces habitations creusées dans la roche, et ne comportant qu’une façade maçonnée, une petite porte et une minuscule fenêtre.


D’ailleurs, en visitant la maison-grotte de Vico Solitario, on comprend bien comment s’organisait le quotidien des habitants, sans eau courante ni électricité, et qui partageaient leur logis avec les chevaux, les mulets, les poules et les cochons… On peine à croire que ces lieux ont été habités jusqu’en 1956 !
A force de monter et de descendre, on parvient ensuite à la zone archéologique des églises rupestres. En effet, c’est dans ces grottes que de nombreux moines byzantins se réfugièrent aux VIIe et VIIIe siècles, et ils créèrent les 160 bâtiments religieux recensés dans la région. Aujourd’hui, seules quelques églises sont ouvertes au public. Comme il y a un monde fou – des groupes par dizaines, on ne s’attendait pas à une telle foule ! – on zappe la visite de Santa Lucia alle Malve, et on se dirige vers l’église San Pietro Caveoso, plus récente mais idéalement placée au bord du ravin.




On grimpe ensuite sur le rocher qui abrite la très belle église Madonna de Idris.

Par chance, on profite seuls des belles fresques réalisées aux Xe et XIe siècle.



Après une pause-café, on grimpe de nombreuses marches pour parvenir au Duomo, la cathédrale romane de la ville, édifiée au XIIIe siècle. A l’intérieur, se côtoient vieilles peintures d’inspiration byzantines, sculptures en bois, autels en marqueterie de pierre et plafonds à caissons ornés de peintures. C’est très beau, et malgré la foule qui se presse, on en fait deux fois le tour !



De nouveau, on redescend un peu pour rejoindre la Piazza del Sedile qui, au XVe, était le centre commercial et culturel de Matera.

Les choses ne semblent guère avoir changées car aujourd’hui, toute la ville haute est en fête : une Foire aux produits régionaux et agricoles, faisant la promotion de la production locale et italienne, se déploie sur les places et le long des rues. Et il suffit d’acheter un ticket à 5€ pour pouvoir goûter trois spécialités culinaires. On teste donc deux risottos, de la viande grillée aux aubergines et une sorte de bugne au sucre. Très bon et très convivial, surtout après le bain de foule traversé pour accéder aux stands !


Après une nouvelle pause dans un café et un dernier petit tour de ville, on reprend la navette pour l’Agriturismo à 15h45. Cette visite de Matera nous a beaucoup plu, tant d’un point de vue historique et architectural, que pour sa bonne ambiance populaire et festive ! Demain, nous retournerons vers le bord de mer – il y fait plus chaud ! – et poursuivrons notre périple vers la Calabre…
INFOS PRATIQUES
- Bivouac à Matera : Azienda Agritur. Masseria del Pantaleone (C. da Chiancalata 27, Matera), aire pour camping-car située à environ 4km de la ville. Navette gratuite 3 fois par jour (attention, on nous avait oublié pour le retour et on a dû les appeler !). Electricité 6A, wifi uniquement à la réception mais réseau 4G assez correct. Restaurant. Places bien stabilisées. Pas de douche (en tout cas, pas ouvertes lors de notre passage). 15€ la place + 2€ de taxes par jour et par personne (oui, pas données les taxes !), soit 19€ la nuit.
Matera (le trajet est donné à titre indicatif car en réalité, nous avons beaucoup exploré les petites ruelles au hasard, et nous avons fait sûrement plus de kilomètres et de dénivelé que celui noté par Google !), balade ville, Maison-grotte (3€, visite malheureusement peu agréable car beaucoup de monde), église Madonna de Idris (3.50€, billet groupé pour 3 églises 7€), Duomo (entrée libre). Beaucoup de monde le week-end, même hors saison. Prévoir de bonnes chaussures, beaucoup de montées et de descentes, et d’escaliers !